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Paul Valéry (1871), El cementerio marino, estrofas 1, 5, 12, 13, 16, 18, 19, 22, 24

 

Le cimetière marin

 

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le Temps scintille et le Songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous un voile de flamme,
Ô mon silence !… Édifice dans l’âme,
Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit !

Temple du Temps, qu’un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m’accoutume,
Tout entouré de mon regard marin ;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l’altitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l’âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change !
Après tant d’orgueil, après tant d’étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m’abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir.

L’âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié !
Je te tends pure à ta place première,
Regarde-toi !… Mais rendre la lumière
Suppose d’ombre une morne moitié.

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d’un cœur, aux sources du poème,
Entre le vide et l’événement pur,
J’attends l’écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l’âme un creux toujours futur !

Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l’attire à cette terre osseuse ?
Une étincelle y pense à mes absents.
 
Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres ;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux !

Chienne splendide, écarte l’idolâtre !
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux !

Ici venu, l’avenir est paresse.
L’insecte net gratte la sécheresse ;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air
À je ne sais quelle sévère essence…
La vie est vaste, étant ivre d’absence,
Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même…
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.

Tu n’as que moi pour contenir tes craintes !
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant…
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L’argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs !
Où sont des morts les phrases familières,
L’art personnel, les âmes singulières ?
La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n’aura plus ces couleurs de mensonge
Qu’aux yeux de chair l’onde et l’or font ici ?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse ?
Allez ! Tout fuit ! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi !

Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse !
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel !

Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Êtes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N’est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, il ne me quitte pas !

Amour, peut-être, ou de moi-même haine ?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir !
Qu’importe ! Il voit, il veut, il songe, il touche !
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
À ce vivant je vis d’appartenir !

Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Êlée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m’enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !

Non, non !… Debout ! Dans l’ère successive !
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
Buvez, mon sein, la naissance du vent !
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme… Ô puissance salée !
Courons à l’onde en rejaillir vivant.

Oui ! Grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l’étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil,

Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre !
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs !

 

 

 

 

 

 

 

 

Cementerio marino

 

Bóveda estanca –vuelo de palomas-,

entre pinos palpita, entre las tumbas;

el fuego enciende un cenit exacto,

¡el mar, el mar, recomenzado siempre!

¡Oh recompensa, acallar la mente

y contemplar la calma de los dioses!

 

¡Qué obra pura consume de destellos

plural diamante de la leve espuma,

y cuánta paz puede concebirse!

Cuando sobre el abismo un sol reposa,

labores puras de una eterna causa,

titila el tiempo y es sueño la ciencia.

 

Tesoro quieto, templo de Minerva,

masa de calma, circunspecta vista,

agua de párpados, Ojo que guardas

reposo inmenso tras velo flamígero,

¡silencio mío!… ¡edificio en el alma

áureo de tejas desbordadas, Bóveda!

 

Templo del Tiempo, que un suspiro cifra,

asgo ese punto puro y me acostumbro,

todo arropado en mi mirar marino;

y como a dioses la suprema ofrenda,

el titilar sereno va sembrando

sobre la altura desdén soberano.

 

Y como el fruto se funde en deleite,

como en delicia tórnase su ausencia

en boca donde de su forma muere,

aspiro anticipada la humareda,

y el cielo canta al alma consumida

el tornarse en rumor de las riberas.

 

¡Cielo bello, veraz, tornarme mira!

Después de tanta soberbia y de extraño

ocio, pero armado de poderes,

yo me abandono al brillante espacio,

sobre casas de muertos va mi sombra

que me acostumbra a su paso quedo.

 

El alma expuesta a teas del solsticio,

¡yo te sostengo, admirable justicia

de la luz con armas de impiedad!

Pura te vuelvo al sitio genesíaco,

¡mírate bien!… Mas regresar la luz

supone umbrío un costado atroz.

 

Para mí solo, a mí solo, en mí mismo,

un corazón, en fuentes del poema,

entre el abismo y el suceso puro,

aguardo el eco de mi grandeza íntima,

amarga, endrina, sonora cisterna,

un son del alma: horadación futura.

 

Sabes, falso cautivo de follajes,

golfo devorador de magras rejas,

en mis ojos cerrados, deslumbrantes

secretos, ¿qué cuerpo a su fin me arrastra,

qué frente capta a la ósea tierra?

Un destello allí pienso en mis ausentes.

 

Prieto, sacro, pleno de fuego etéreo,

trozo de tierra ofrecido a la luz,

me gusta este lugar, sitial de antorchas,

hecho de oro y piedra y turbios árboles,

mármoles trémulos bajo tanta sombra;

¡el mar fiel duerme allí entre mis tumbas!

 

Perra espléndida, ¡expulsa a los idólatras!

Cuando en soledad, pastor, sonrío,

y apaciento carneros misteriosos,

blanco rebaño de mis mansas tumbas,

¡a prudentes palomas de allí aleja,

a sueños vanos, a ángeles curiosos!

 

Aquí venido, el devenir pereza

es. Insecto nítido rasca el yermo;

todo ardido, deshecho, recibido

yo no sé bien en qué esencia rigurosa…

La vida es vasta, estando ebrio de ausencia,

lo amargo es dulce, límpido el espíritu.

 

Los muertos están bien en esta tierra,

por su misterio secos, cobijados.

Alto el cenit, cenit sin movimiento,

su yo se piensa y con sí concilíase…

Completa frente, perfecta diadema,

en ti yo soy metamorfosis íntima.

 

¡Sólo estoy yo para tus angustias!

¡Dudas, pesares y arrepentimientos

míos provienen de tu gran diamante!…

Pero en su noche cargada de mármoles,

un vago pueblo en la raíz del árbol

ha asumido tu causa lentamente.

 

Se han fundido en una espesa ausencia,

roja arcilla bebió la blanca especie,

¡la gracia de vivir pasó a las flores!

¿Dónde de muertos frases familiares,

el arte propio, las almas unívocas?

La larva hila en la matriz del llanto.

 

Gritos agudos de niñas exaltadas,

ojos, dientes, humectados párpados,

seno embrujado que juega con fuego,

sangre que brilla en labios que se rinden,

últimos dones que dedos defienden,

¡todo enterrado y entrando en el juego!

 

Y tú, gran alma, ¿un sueño es lo que esperas,

que no tenga colores del engaño

como el oro y las ondas a mis ojos?

¿Evaporada seguirás cantando?

¡Ve! ¡Todo huye! Porosa es mi presencia,

¡también muere la impaciencia sacra!

 

¡Magra inmortalidad, áurea y negruzca

consolatriz laureada de vergüenza,

que dices que la muerte es nuevo útero,

el bello engaño y la piadosa astucia!

¡Quién no conoce, quién no los rehúsa,

al hueco cráneo y a la risa eterna!

 

Huecas cabezas y profundos padres,

que bajo el peso de tantas paladas,

la tierra sois y confundís las huellas,

el roedor gusano irrefutable

no es para vosotros los durmientes,

¡de vida vive, a mí no me abandona!

 

¿Amor tal vez, u odio de mí mismo?

¡Próximo tengo su secreto diente,

que a cualquier nombre puede convenirle!

¡Qué importa! ¡Mira, quiere, sueña, toca!

¡Mi carne gusta y aún en mi lecho

soy viva posesión de ese viviente!

 

¡Zenón! ¡Cruel Zenón! ¡Zenón Eleata!

¡Me has traspasado con un dardo alado,

que vibra, vuela, pero nunca vuela!

¡El son me engendra, el dardo me asesina!

¡Ah!, el sol… ¡Y qué sombra de tortuga

para el alma, Aquiles grande e inmóvil!

 

¡No! ¡No! ¡De pie! ¡En la era sucesiva!

¡Quiebre mi cuerpo la pensativa forma!

¡Beba mi pecho la génesis del viento!

Una frescura, exhalación marina,

me vuelve el alma… ¡Oh poder salino!

¡Corramos tras las ondas y la vida!

 

¡Sí!, inmenso mar dotado de delirios,

piel de pantera y clámide horadada

por miríadas de ídolos solares,

hidra absoluta embriagada de carne

azul, que muerdes tu cola fulgente,

en un tumulto símil del silencio.

 

¡Álzase el viento! ¡Intentemos vivir!

¡Mi libro abre y cierra el aire inmenso,

la ola brota del polvo de las rocas!

¡Todas volad, enceguecidas páginas!

¡Olas romped, romped de aguas de júbilo

la mansa bóveda que hurgan los foques!

 

 

 

 

 

 

 

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